Bobital, suite et fin, avant que cessent les insomnies...
Retour sur la journée de dimanche.
ça commence par un appel de Jésus : « qu'est-ce tu fous? On a découpé la morue et pris l'apéro des Terre neuvas! »
( tradition du dimanche matin à Bobital, en hommage aux terre neuvas, le festival étant au départ consacré aux chants de ces marins qui partaient pêcher la morue à Terre neuve).
Là, je sens que ce dimanche sera à la hauteur de ses promesses. D'autant que l'affiche me file le vertige.
Je corrige mon quota de copies et file retrouver tout le monde dans la prairie. Adamo ouvre le bal ( en plus de la morue, Bobital fait dans l'éclectisme)...
Adamo, donc:
Le concert a déjà commencé quand j'arrive mais je n'ai aucun mal à distinguer Jésus qui dépasse du premier rang, la tête enveloppée d'un foulard bleu, arborant fièrement son tee-shirt Scandale mélancolique tour devant Adamo ! ( les photos ne devraient pas tarder à arriver! )
Il faut bien ça.
Jésus et ses apôtres animent joyeusement ce premier rang ( on savait déjà que Jésus changeait le beurre en vaseline, je peux vous confier qu'il change aussi le coca en vermouth !
) . Je me joins donc volontiers à la chorale. Adamo nous lance des regards amusés : on fait danser le troisième âge qui n'attend que cela. « Les filles du bord du mer » nous donnent tout à coup une idée : pour le rappel, Jésus décide de lancer le public sur ... la fille du coupeur de joints!!!
Et ça prend... De là à dire qu'Adamo a chanté la fille en rappel, non, tout de même pas, Jésus ne fait plus de miracle!
- Les wriggles:Connais pas. Jésus et Diabolo m'entraînent. Suis immédiatement conquise.
De la chanson humoristique ( second voire troisième degré) qui combine des textes poétiques, provocateurs, engagés, contestataires, tout en maniant l'autodérision... Des guitares sèches pour tout orchestre et trois panneaux en guise de décor, les wriggles se lancent dans un jeu de scène impressionnant, et parviennent à faire passer pour de l'impro un spectacle réglé au millimètre près... C'est mon coup de coeur du festival! L'une de leurs chansons a particulièrement attiré mon attention... Spéciale dédicace à un fan de Thiéfaine que certains reconnaitront : « Dans le car de CRS, on serre les fesses, on se fait des caresses ...» !
Sur la grande scène, le comité de soutien à Ingrid Bétancourt s'avance, nous revoyons les images de Renaud venu chanter l'an passé, puis le fils d'Ingrid, en duplex depuis Paris, remercie les bretons pour leur investissement. Le comité chante « quand les hommes vivront d'amour... ». L'émotion est au rendez-vous.... Place à celui qu'on attend tous:
- BASHUNG: Souffles suspendus à son entrée en scène. Un côté voyeur qui me dérange... Bashung s'avance, fragile, fatigué, hésitant. Une classe folle dans la démarche cependant... Il s'asseoit, nous regarde, nous sourit, nous demande de nous serrer les uns contre les autres... pour nous tenir chaud après les bourrasques! Et ça commence. Bashung joue, pose délicatement ses mots sur ses accords... Sa main tremble, mais pas sa voix. Intacte...
On est 40 000 à vibrer à l'unisson.
Bashung réussit cette prouesse de faire partager ses émotions, son spectacle, plutôt intimiste, à 40 000 personnes. Et on en redemande. D'autant que Péchin, à la fois discret et terriblement présent, impose aussi son style et met le public de Bobital dans sa poche...
Normalement c'est la version festival, et le concert finit à 21 heures, mais un arc-en-ciel improbable se dessine et Bashung prend le temps de regarder, de se taire dans un sourire. Puis il nous amène à lever les yeux vers le ciel, à contempler avec lui ... Et il parle... Il est ému... nous aussi ... Il continue... Il se sent bien avec nous... Et on a envie de le garder...
« Vous m'avez fait plaisir... Vous pouvez pas savoir ce que vous m'avez fait plaisir... »
Des mots simples, empreints d'une sincérité évidente... Avant de nous quitter, il nous fait un dernier cadeau: « Nights in white satin »...
Une émotion rare, palpable. Silence dans la prairie...Je tente vainement de réfréner mes larmes depuis un bon moment... Regard discret à gauche, à droite : mes copains pleurent déjà... A moins que ce ne soit la pluie... On ne sait plus très bien où on en est ...
Bashung sort de scène, soutenu, suivi par une caméra indécente, qui projette ses vacillements sur l'écran géant... On est quelques uns à rester hébétés dans la prairie...
Après cela, je sais confusément que plus rien ne passera, pas même les Sex pistols attendus depuis 30 ans, comme un rêve de gosse qui prend corps... En effet, j'aurais dû rentrer...
- Les Sex pistols: Tête d'affiche du festival, et qui sent l'opération commerciale à plein nez!
Mais voir les Sex pistols une fois dans ma vie, j'en ai rêvé. On est quelques uns à porter des regards incrédules sur ce nom mythique qui s'affiche sur la grande scène... Je me cale devant les barrières, entre les rares punks présents et une foule d'ados curieux... Et tant pis si ça pogotte!
Mais Johnny Rotten entre en scène et fracasse mes rêves. D'emblée il m'apparait pathétique dans ses postures grotesques et faussement provocatrices. Tout en lui sonne faux et ses « no future » répétés sont une insulte pour toute une génération!
A ma gauche la consternation se lit sur le visage de deux vieux punks. Les mômes pogottent malgré tout. Le guitariste et le bassiste restent quant à eux aussi statiques que les musiciens d'Adamo; ils font leur job, sans plus. Et sans plaisir.
Quand Johnny, figé sur le devant de la scène, nous lâche un pitoyable « God save the queen », entre deux insultes calculées, je n'ai qu'une envie: les voir se barrer avant qu'ils ne massacrent « Anarchy in the UK »! Ils s'en sortiront honnêtement sur ce morceau-là mais ne parviendront pas à estomper la déception ... Pas plus qu'ils n'arriveront à me faire oublier Bashung et sa sincérité... Les Sex pistols repartent vers leur hôtel 5 étoiles, et c'est tant mieux.
No Futur pour Johnny Rotten.
L'espace d'un instant, je ferme les yeux et rêve de la silhouette dégingandée du grand Bashung qui reviendrait pour un ultime rappel.
- Pigalle: L'autre groupe attendu, et qui n'a pas démérité... Une entrée avec Madame Louise ( une pensée pour mon amie Katell à l'occasion
) et la prairie renait à l'authenticité... Hélas, je suis de loin, le son n'est pas bon et le concert bref, vraiment trop bref ( à peine une heure). D'autant que François Hadji Lazzaro nous livre ses humeurs et ses colères entre deux morceaux... Mais c'est promis, il reviendra...
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No one is innocent:Il est deux heures quand le chanteur de No One entre en scène , tel un ouragan : « ce concert est dédié à notre ami Johnny Rotten parti prendre ses pillules et se coucher ! Voici un véritable concert punk-rock »!
Le ton est donné ! Vrai que l'entrée en matière paraît quelque peu prétentieuse mais dès les premiers accords, on a vraiment envie d'aller réveiller les Sex pistols pour leur faire partager la rage! Ambiance survoltée. Le chanteur est un volcan en éruption... Pas vu un tel déploiement d'énergie depuis Noir désir à ses débuts!
Mais quand tout s'arrête, vers 4 heures du mat', c'est le grand Bashung qui m'accompagne sur le chemin du retour. Images entêtantes depuis deux jours...