http://www.arcinfo.ch/details/article/416091/thiefaine_a_pleins_poumons.htmlThiéfaine à pleins poumons
17.10.11 | 04:15 | L'Express/L'Impartial |
NEUCHÂTEL - Pour l'unique date suisse de sa tournée «Homo plebis ultimae», l'auteur-compositeur-interprète Hubert-Félix Thiéfaine a choisi Neuchâtel, où, samedi aux Patinoires, sa voix a rencontré un public nombreux et religieusement attentif.
Trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires, loubards érudits et rockeurs philosophes, ils sont venus des six coins de la Suisse romande et de France voisine pour écouter, samedi à Neuchâtel, Hubert-Félix Thiéfaine qui donnait le seul concert suisse de sa tournée «Homo plebis ultimae» (l'homme de la lie du peuple).
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Entre les bandes de la patinoire du Littoral, aménagée en scène, la glace semblait s'être directement sublimée dans la vapeur des fumigènes. A la grande chaleur de l'accueil, l'artiste français a répondu par un concert généreux, de plus de deux heures.
L'âme et le cerveau
La voix de Thiéfaine a plus de trente ans de carrière. Elle a chanté l'amusante «Fille du coupeur de joints» en 1977, pendant la période folk de l'auteur. Aujourd'hui, au service de chansons plus rock, elle a acquis de la gravité, de la profondeur. Elle est belle et ronde sur les disques; elle est puissante et claire sur la scène, en dépit de quelques imprécisions. Quand, dans «Ruelle des morts» ou «Alligator 427», elle se déploie vibrante, grave et forte, on a envie de croire, avec les Anciens, que c'est dans les poumons que réside l'âme humaine.
Si Thiéfaine a une âme de chanteur et de musicien, il a aussi une vive cervelle de parolier. Débordant de références littéraires, recourant à l'archaïsme comme au néologisme, ses textes sont d'autant plus séduisants, d'autant plus obsédants qu'on ne les saisit pas toujours, ou pas tout de suite!
Après tout, connaît-on beaucoup d'artistes dont le site officiel propose un dictionnaire en ligne, destiné à faciliter la compréhension des paroles? Dans ses chansons, l'auteur glisse d'un mot, d'une image ou d'une idée à l'autre comme on glisse d'une figure à l'autre dans un programme de patinage artistique.
Au nom du rock
Quoique poète cérébral, Thiéfaine a l'avantage d'être encore un vrai rockeur, sex et drugs inclus, qui aime à crier ses plaisirs et ses colères, qui se complaît dans des ambiances décadentes et sombres, et qui lance son t-shirt mouillé dans le public, à la fin du deuxième rappel.
Sur scène, tous les tics de l'instrumentation rock sont d'ailleurs mis au service du spectacle. Ce sont des nappes de Hammond du côté des claviers, des points d'orgues gorgés de cymbales à la fin des morceaux et, sur le manche d'Alice Botté, des solos de guitare électrique très saturés et très variés.
Public recueilli
Sensible à la dimension jouissive et festive du concert, le public de Neuchâtel paraissait cependant discipliné, ou plutôt recueilli. Peu de mouvement au-delà des premiers rangs. Peu de cris pendant les chansons. Il y a des silences religieux qui en disent plus que n'importe quel égosillement.
Tantôt, c'étaient les briquets qui s'allumaient au-dessus des têtes. Tantôt, c'étaient les écrans des téléphones portables qui s'efforçaient de capturer religieusement quelques bribes de lumière et de voix. Et quand on a repris en chœur la mélodie culte de «La fille du coupeur de joints», c'était à la manière d'un chant grégorien.
TIMOTHÉE LÉCHOT
